ARABEL

Société Arachnologique de Belgique

Cinquante mille espèces d’araignées

18/11/2022 | Actualités

La première araignée à recevoir un nom scientifique fut épeire diadème : Araneus diadematus. Le biologiste qui a accompli cela était Carl Clerck. Il l’a fait dans son ouvrage sur les araignées de Suède « Svenska Spindlar », dans lequel il décrit une cinquantaine d’autres araignées de ce pays. Cela s’est déjà produit en 1757 et c’est remarquable car cela précède les travaux de Carl Linnaeus, un autre Carl suédois et également biologiste, d’un an. L’opus monumental de Linnaeus s’appelle « Systema naturae », qui a jeté les bases de la dénomination scientifique des plantes et des animaux. Ceux-ci reçoivent tous un double nom, le binôme, qui se compose d’un nom de genre et d’un nom d’espèce. Le nom du genre nous renseigne sur d’éventuels parents de l’espèce. Dans le cas de épeire diadème, il s’agit d’espèces dont la première partie est également « Araneus ». Chez nous, ce sont, par exemple, l’araignée marbrée (Araneus marmoreus) et l’araignée à quatre points (Araneus quadratus). Mais les araignées sont le seul groupe d’organismes dans lequel certaines espèces ont été nommées avant l’intervention de Linnaeus en 1758.

Mais maintenant, 256 ans plus tard, nous sommes à la 50 000ème espèce d’araignées. Nous le savons si précisément grâce au catalogue mondial des araignées en ligne (https://wsc.nmbe.ch/). Il répertorie non seulement toutes les araignées qui ont été décrites, mais aussi tout ce qui a été publié sur leur morphologie, disons leur apparence, avec un lien direct vers ces publications. Les araignées sont donc exceptionnellement bien cataloguées parmi les invertébrés. Ce catalogue est une mine d’or pour tout arachnologue ou qui se soucie de ces animaux à huit pattes. Ainsi, le 6 avril 2022, nous étions au nombre de 50 000.

Cette petite salticide (Guriurius minuano Marta, Bustamante, Ruiz & Rodrigues, 2022) est la cinquantemilième araignée connue. 

L’analyse du rythme auquel les descriptions se sont produites montre deux pics : le premier vers le tournant du siècle en 1900 et un second dans la période actuelle. Au siècle dernier, les grands musées d’histoire naturelle étaient principalement européens. Ces grands centres taxonomiques investissaient dans des expéditions zoologiques et rémunèraient les spécialistes capables de décrire les plantes et les animaux collectés. Un spécialiste domine tous les autres à cet égard : Eugène Simon (1848-1924) associé au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Il a décrit à lui seul près de 4000 espèces d’araignées, mais il n’avait que 16 ans lorsqu’il a écrit son premier article d’arachnologie. Mais les spécialistes anglais, allemands, italiens et même néerlandais et belges ont également mis leur grain. Plus tard, les arachnologues nord-américains ont également contribué : en termes de nombre d’espèces d’araignées décrites, Norman Platnick (1951-2020) du Natural History Museum de New York, arrive en deuxième position avec un peu moins de 2000 espèces.

Cet intérêt occidental pour la description de la diversité mondiale a duré jusqu’à la fin du siècle dernier, quand environ 35 000 espèces d’araignées étaient connues. Avec l’avènement des méthodes moléculaires, d’autres domaines de la recherche biologique reçoivent plus d’attention et l’intérêt pour la taxonomie pure, la description des espèces, est passé au second plan. En conséquence, le rythme de découverte de nouvelles espèces a également chuté. Les quelques taxonomistes actifs en Europe occidentale sont désormais principalement des non-biologistes intéressés ou des taxonomistes à la retraite. Le deuxième pic est donc principalement dû aux spécialistes d’Amérique du Sud, de Chine et d’Afrique du Sud, qui représentent désormais l’essentiel des nouvelles descriptions. Ce n’est donc pas un hasard si l’ araignée célébrée est une salticide du Brésil.

Rudy Jocqué

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